Le cap de 2035 tient-il toujours pour la fin des voitures thermiques en Europe ?

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Après la reconduction d’Ursula von der Leyen, la Commission européenne a confirmé en juillet l’interdiction prochaine des véhicules thermiques neufs dans l’UE. Les constructeurs doivent donc repenser leur modèle économique et s’orienter vers des véhicules électriques, moins polluants. Mais entre défis techniques et réticences des automobilistes, s'agit-il d'une mission impossible ? Pas forcément, exemple à l'appui…

Le 100 % électrique en 2035 ? Un objectif toujours d’actualité pour l’UE, confirmé depuis la reconduction d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne en juillet 2024. Parmi les priorités de sa présidence : la décarbonation et la croissance industrielle. Ces initiatives qui visent à soutenir l’innovation européenne inquiètent néanmoins les constructeurs automobiles, en raison de la fin annoncée des véhicules thermiques. Face à leurs craintes, Ursula von der Leyen s’est voulue rassurante en promettant une « modification de la politique automobile afin d’autoriser les carburants de synthèse ». Une réponse satisfaisante ?

En quoi consiste l’interdiction du thermique en 2035 ?

Voté le 19 avril 2023, le règlement européen 2023/851 prévoit d’interdire la vente de véhicules neufs à moteur thermique (essence, gazole, hybride) à partir de 2035.

En d’autres mots, les constructeurs automobiles n’auront plus d’autre choix que de concevoir, produire et commercialiser des véhicules plus propres, en particulier des véhicules électriques. Attention, cela n’empêchera pas les propriétaires de véhicules thermiques de rouler avec… sauf dans les zones qui interdisent la circulation de ces véhicules !

Cette situation crée des inquiétudes chez certains constructeurs, d’autant qu’ils constatent un certain désamour des consommateurs pour l’électrique.  

Les carburants de synthèse

Face aux tensions, Ursula von der Leyen a proposé un compromis : les e-fuels. Ces carburants alternatifs de synthèse, produits à partir de plusieurs composants à base de carbone et d’hydrogène, constituent une alternative plus écologique… mais surtout compatible avec les véhicules à moteur thermique.

Problèmes : le litre coûte très cher et ces carburants, principalement utilisés dans les compétitions automobiles, restent encore à un stade de développement trop peu avancé pour espérer un déploiement à l’échelle européenne dans les prochaines années.

Une nouvelle norme prévue pour 2025

À cette interdiction s’ajoute le respect d’une norme : la CAFE (corporate average fuel economy).

Présente aux États-Unis depuis 1975 et en Europe depuis 2015, elle impose aux constructeurs automobiles de réduire progressivement la consommation moyenne de leurs véhicules neufs. Objectif : diminuer l’impact du secteur sur le changement climatique. Depuis le 1er janvier 2021, tous les véhicules commercialisés en France sont concernés. Plus les années passent, plus la norme devient stricte.

Année

Taux de rejet maximum

2015

130 g/km de CO2

2021

95 g/km de CO2

2025

81 g/km de CO2

2030

50 g/km de CO2

À titre de comparaison, certains moteurs hybrides émettent en moyenne 80 g/km de CO2 quand la moyenne de certains véhicules avoisinait les 100 g/km de CO2 en 2020 (source : ADEME).

Gamme de véhicule

Exemples

Taux de rejet moyen (en 2020)

Économique - inférieure

Peugeot 208 (101 ch), Dacia Sandero (67ch), Opel Corsa (130 ch), Citroën C3

82 g/km de CO2

Moyenne - inférieure

Mitsubhishi Space Star 1.2 Mivec (71ch), Volkswagen Taigo 1.0 TSI (110 ch), Skoda Kamiq 1.0 TSI (110 ch), Seat Leon SP TSI (110 ch)

99 g/km de CO2

Moyenne - supérieure

Seat Ateca TSI (115 ch), Skoda Octavia Combi 1.5 TSI (150 ch)

107 g/km de CO2

Supérieure - luxe

BMW 318i Berline, DS 9 (224ch), Renault Talisman (158 ch), Skoda Kodiaq Active 1.5 TSI  (150 ch)

98 g/km de CO2

Les efforts doivent s’accélérer pour espérer atteindre les objectifs fixés…

Comment est perçue le maintien de cette interdiction chez les différents acteurs ?

Autre défi à relever : les réticences psychologiques des consommateurs restent profondément ancrées, ce qui inquiète à la fois les constructeurs et les décideurs politiques.

Des freins toujours présents chez les consommateurs

Les véhicules électriques se font progressivement une place dans le parc automobile européen, et français en particulier. L’accélération se confirme :

- 2019 : 36 356 immatriculations en France ;

- 2020 : 185 499 immatriculations ;

- 2021 : 303 100 immatriculations ;

- 2022 : 459 212 immatriculations ;

- 2023 : 491 866 immatriculations.

Malgré cette croissance, de nombreux freins subsistent comme l’a démontré un sondage demandé par RTE :

- des craintes relatives à l’autonomie (1 Français sur 4) et au développement des bornes de recharge (18 %) :

- un prix des véhicules électriques qui reste trop élevé pour 73 % des Français. D’autant qu’en parallèle, les aides à l’achat diminuent (de 5 000 € en 2023, le bonus écologique est passé à 4 000 € en 2024 et ne sera plus que de 3 000 € en 2025) ;

- l’impact environnemental, en raison de l’énergie nécessaire pour recharger le véhicule (pour 8 Français sur 10).

Des constructeurs dans l’impasse

Luca de Meo, patron de Renault et président de l'ACEA (European Automobile Manufacturers’ Association), estime que le secteur automobile pourrait perdre 15 milliards d’euros avec cette obligation. Sans oublier que les constructeurs encourent des sanctions pouvant atteindre plusieurs millions d’euros s’ils ne respectent pas la norme CAFE (corporate average fuel economy). Dans le même temps, le marché électrique européen marque un ralentissement en 2024 : seulement 12,5 % des ventes totales au premier semestre contre 12,9 % sur la même période en 2023.

Pour le lobby des constructeurs, le seul compromis, synonyme de second souffle, serait de repousser l’échéance à 2040. Mais leurs ambitions risquent de se heurter à la Commission européenne et aux ONG environnementales, déterminées à maintenir le cap.

Fin du thermique : l’Italie dit non !

Face à cette situation, la grogne monte dans certains pays, comme l’Italie. Son ministre de l'environnement et de la sécurité énergétique juge l’interdiction « absurde » et pointe du doigt le manque de pragmatisme de l’Union européenne.

Cette déclaration s’explique aussi en grande partie par le retard italien face à d’autres pays européens bien plus avancés en matière de développement d’infrastructures. L’Italie compte en effet 36 000 stations de recharge électrique… soit 3 fois moins que les Pays-Bas, un état à la superficie pourtant bien moins grande !

La Norvège, un contre-exemple parfait

Mais d’autres pays assument le virage et montrent que la trajectoire est réalisable. C’est le cas de la Norvège, qui multiplie les incitations pour que ses habitants achètent une voiture électrique :

- fiscalité ultra-avantageuse et taxation élevée sur les véhicules thermiques ;

- primes à l’achat ;

- tarifs préférentiels pour le stationnement ;

- autorisation de circulation sur les voies de bus et de taxi ;

Résultat, avec 3 463 stations de recharges et 7 753 chargeurs rapides, la Norvège réussit une première mondiale : compter plus de nouveaux véhicules électriques que de véhicules thermiques sur ces routes. Un succès qui ouvre la route !

 

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1 commentaires

Stéphane Gay - 06/10/2024 16:34:58


Si les constructeurs veulent vendre des véhicules électriques, qu'ils formant d'abord les commerciaux. J'ai acheté une e208 il y a 4 ans. J'en savais plus sur l'usage des voitures électriques, que le vendeur et plus que celui qui m'a livré ma voiture. Facile ils ne connaissaient rien. ET j'avais des question à poser ... Je constate qu'aujourd'hui, au vu d'expérience de personnes que je connais, qui ont acheté une voiture électrique, rien n'a changé.