Le digital veut révolutionner les achats de pièces
Les sites de ventes en ligne de pièces détachées dédiés aux professionnels se multiplient. Leur promesse : simplifier notablement les achats en proposant en un point unique une offre élargie et une liberté de choix. Ils se positionnent comme des outils de gagne temps et d’argent pour les ateliers. Si le service en termes de délais de livraisons reste encore à optimiser, ils deviennent imparables.
Apparus il y a une quinzaine d’années, les sites grand public de ventes en ligne de pièces détachées ont creusé leur sillon. Les professionnels représentent une part non négligeable de leurs clients, parfois jusqu’à 30 %. Près de la moitié des garagistes achètent sur le web, soit parce que leur fournisseur principal n’a pas la pièce recherchée, soit pour profiter de tarifs bien plus compétitifs. Comme l’ensemble des consommateurs français, les garagistes se sont mis au digital. Ce changement structurel remet peu à peu en cause le modèle de distribution classique, en dépit même de leur haut niveau de service. Magalie Massa, directrice marketing de Carleader l’assure : « le marché va devenir très compliqué sur le long terme pour la distribution traditionnelle dans une société toujours plus digitalisée dans ses modes de consommation. Les automobilistes comparent toujours plus les prix. Les garagistes n’auront plus le choix que de bien acheter pour se positionner face à la concurrence des centres-auto et des réparateurs rapides. » Et de poursuivre : « aujourd’hui avec la digitalisation, les MRA peuvent mieux anticiper sur leur carnet de rendez-vous, avec une nécessité moindre de magasin de proximité. Cela ouvre la porte à des prix de pièces moins chers et la possibilité pour les MRA de mieux batailler ». Selon Alexis Frèrejean, fondateur de Vroomly, les achats rationnels opérés en ligne peuvent conduite à une baisse des dépenses comprises en 20 % et 30 %. Ce virage digital mène à l’apparition de sites de ventes dédiés exclusivement aux professionnels. Ils se sont multipliés ces 18 derniers mois avec la volonté commune de révolutionner l’expérience client alors que 80 % des MRA estiment que les achats en ligne sont trop longs, qu’il est difficile de trouver la bonne référence de pièce, que les catalogues sont trop imprécis et que le support client ne suit pas.
Mobivia devient grossiste digital
Autant d’insuffisances que le site Originauto cherche à gommer. Lancé en janvier 2020 par le groupe Mobivia, le site est sous la responsabilité d’Alexandre Douchez, ancien directeur du digital chez Norauto International. Sa mission : accélérer la croissance du site, parti de zéro, qui connait des débuts laborieux. Il y quelques semaines, Originauto a entièrement revu sa politique tarifaire, annonçant des baisses notables de tarifs sur quasiment toutes ses offres. « Nous ne cherchons pas la guerre des prix et à déstabiliser le marché, mais nous n’étions pas bien placés sur certains produits. Nous avons juste réaligné nos tarifs face à des garagistes qui n’hésitent pas à comparer les prix » explique Alexandre Douchez. Le site se définit aujourd’hui comme l’un des moins chers du marché mais c’est bien sur le service qu’il cherche à faire la différence avec des facilités de paiements, des retours simplifiés et une hotline technique animée par des techniciens expérimentés. Un programme de fidélisation devrait prochainement faire son apparition. Son partenariat avec 10 plateformes de stockage lui permet de livrer 2 fois par jour la moitié du territoire français. Le travail sur un maillage secondaire doit permettre de couvrir entièrement la France avec la même réactivité. Chez Mobivia, une douzaine de personnes travaillent exclusivement pour Originauto. Des ressources humaines, garantes de la relation clients, que le site cherche à mettre en avant. Comme la majorité des sites de ventes en ligne, Originauto soustraite la livraison. Un choix que n’a pas fait le site Otop. Mis en ligne une première fois début 2018, le site rassemblait à sa création toutes les composantes logistiques avec son propre stock de pièce, son site web et son réseau exclusif de livreurs. Ses engagements : des prix cassés, des livraisons en J+1 et une qualité de service digne d’un distributeur de proximité. Malheureusement, le concept s’est montré trop ambitieux et peu rentable. Le site a été mis en dépôt de bilan il y a un an. Si la e-boutique se montrait plutôt performante dans son fonctionnement, son taux de service et la profondeur de son offre n’était pas à la hauteur des attentent des ateliers. Aussi, le maillage du territoire en points de livraison s’est limité à un tiers du pays. En juillet dernier, le groupe Point S, soucieux de se diversifier vers la pièce, a racheté la marque. Le groupe a relancé le site en novembre en repartant quasiment d’une feuille blanche. L’offre a été considérablement étoffée et devrait encore être doublée d’ici à la fin de l’année. « On ne s’interdit rien en matière de pièces » prévient Michel Chabot, directeur du développement stratégique chez Point S. Otop ne travaille plus en direct avec les équipementiers. Le site a passé des partenariats commerciaux avec différentes plateformes de stockage. La France en compte plus d’une centaine. Elles appartiennent à des concessionnaires, des centrales d’achats, des groupements de distribution ou à des organisations indépendantes.
Otop collabore avec une quarantaine d’entre elles, avec l’objectif d’atteindre prochainement une cinquantaine de partenariats pour une couverture nationale et des livraisons en H+4. Côté prix, le site ne souhaite plus être le moins disant. « Il faut être dans les prix du marché mais faire la différence sur le service » abonde Michel Chabot. Comme tous les acteurs du web, Otop mène une veille tarifaire permanente. « Nous cherchons à proposer le meilleur rapport prix/service» avance le responsable. Et de poursuivre : « nous jonglons à la fois sur les marques et les prix pour proposer une offre qui tienne la route et qui soit attractive ». Un des atouts du site est que les pièces sont livrées toujours par la même personne pour créer une relation de proximité et de confiance. Les livreurs ont aussi un rôle commercial. Les achats ne sont facturés qu’à la livraison, gratuite. Reste à construire le réseau de points de livraisons au nombre de seulement 30 à ce jour avec une couverture nationale de seulement 25 % du pays.
Les acteurs du pneu misent sur la pièce
Point S n’est pas le seul acteur issu du pneumatique à se lancer dans l’aventure de la vente en ligne de pièces. Le groupe Massa s’y est mis il y a 5 ans avec le site Carleader. Chez le grossiste en pneumatique, la vente de pièces s’est greffée sur une organisation logistique éprouvée et sur une base de 14 000 clients. Les bases de la réussite sont bien là. Imaginée au départ comme un service additionnel pour fidéliser sa clientèle, la vente de pièces est devenue stratégique pour la rentabilité du groupe. Ses principaux investissements portent désormais sur la pièce. « Le vrai levier de croissance » lance Magalie Massa, directrice du marketing. L’ambition du groupe est de doubler ses ventes chaque année avec désormais 40 % de ses clients qui lui achètent des pneus et des pièces. Le groupe possède son propre stock, livré en direct par les équipementiers. Depuis 2 ans, l’offre c’est considérablement renforcée. Sur le plan logistique, Massa possède une plateforme centrale à Beaune et 12 satellites régionaux achalandés de nuit quotidiennement. Le grossiste est en mesure de livrer en H+2, voir en H+4 selon les secteurs. Ce circuit court permet à Carleader de proposer des prix des plus compétitifs mais l’offre peine à ce stade à être aussi exhaustive que des sites web concurrents. Mais Massa, qui possède aussi l’enseigne de garages Avatacar et qui dispose d’une équipe de 40 commerciaux sur le terrain, apprend vite et assure affiner son offre en permanence. Sur le front des services, Carleader a mis en place six personnes en support technique. Le site va subir prochainement des améliorations pour être plus fin dans sa préconisation de pièces. « Il nous faut éviter un maximum les couteux retours pour préserver le modèle économique » explique Magalie Massa.
La marketplace 07ZR vient elle aussi du pneu. Elle a été lancée en 2007 par le groupe Propneu SA et a acquise une dimension Européenne avec plus de 25 000 clients dont 10 000 en France. La place de marché propose des pièces depuis 2016. Leurs ventes représentent 20 % de son chiffre d’affaires. Son espace est ouvert à tous les distributeurs qui souhaitent développer ses ventes sur Internet, étendre leur zone de chalandise et écouler ses stocks de manière flexible. Elle fédère pour l’heure une cinquantaine de fournisseurs avec l’objectif d’en toucher plus de 200 afin de multiplier les dépôts régionaux et offrir des livraisons en H+4 sur toute le France. La multiplication des fournisseurs permet à 07ZR de proposer une offre riche annoncée de 1,5 millions de références disponibles. Un large choix où les réparateurs peuvent choisir entre niveaux de qualité, délais de livraison et prix en fonction de la nature des opérations d’entretien. « Notre ADN est d’offrir un maximum de possibilités à nos clients selon leurs attentes et au juste prix » explique Jean-Vincent Schaffnit, directeur général. 07ZR est commissionné par les fournisseurs sur chaque vente. « La commission est basse pour permettre aux fournisseurs de proposer un juste prix » précise le dirigeant. Le site ne filtre rien, toutes les offres correspondant à une recherche de pièce apparaissent. La place de marché cherche elle aussi à se différentier par le service. « Nous cherchons à offrir tous les services pour que les garagistes puissent se concentrer uniquement sur la vente aux clients » précise Jean-Vincent Schaffnit. Le site, qui emploie 150 personnes, se charge de résoudre tous les éventuels soucis de commandes, de facturations et de livraisons. « Nous ne sommes pas un site de drop shipping. Nous sommes sur le modèle Amazon et souhaitons mettre en avant un service premium» insiste le directeur. C’est pourquoi l’accès au site est payant. Parallèlement à 07ZR, Propneu a mis en ligne il y a 18 mois le comparateur de garages Mecagoo. Le site grand public référence 3500 garages auxquels le groupe apporte des rendez-vous, des devis et maintenant des pièces.
Renault actionnaire de Partakus
Si les sites de e-commerce BtoB se positionnent aujourd’hui comme complémentaires aux distributeurs classiques, qui écoulent 2 pièces sur 3, leur avenir est promoteur. Pour preuve même Renault s’est lancé dans l’aventure en investissant dans la place de marché Partakus mise en ligne début 2020. Là encore la même ambition, celle de proposer aux garagistes, à portée de clics, l’ensemble des pièces dont ils ont besoin: pièces de réemploi, pièces d’origine, pièces équipementières, outillage, pneumatiques, huile, etc. Difficile de savoir combien de vendeurs sont représentés sur la plateforme. On parle d’une centaine qui peut être des distributeurs indépendants ou des concessionnaires. Laurent Gambotti, directeur de Partakus, reconnait que la couverture totale de l’offre est encore en construction d’une région à l’autre. L’accès local à la plateforme aux pros n’est possible que lorsque l’offre est jugée satisfaisante. A ce stade, trois grosses régions sont couvertes : PACA, Rhône-Alpes et l’Ile-de-France. La couverture devrait être largement étendue cette année. Le site se défend d’être un comparateur qui met en concurrence les vendeurs. C’est avant tout les critères de disponibilité et de délais de livraison, mis à jour en temps réel, qui sont mis en avant lors d’une recherche de pièces. La question de la compétitivité des tarifs affichés reste toutefois essentielle pour que le site reste attractif. « Nous challengeons et conseillons les vendeurs sur des analyses de prix que nous réalisons, mais ils restent libres de leur politique commerciale en fonction des clients » commente Laurent Gambotti. Dans sa logique de faire gagner du temps aux artisans, Partakus avance posséder un catalogue fiable à 97%, au-delà de ceux du marché en termes d’identification et d’affectation véhicule.
« Nous avons calculé qu’à chaque opération, l’atelier perd 20 minutes à bien identifier les pièces, ce qui n’est pas le cas avec Partakus » assure le responsable. Les conditions générales de ventes ne changent pas, elles restent classiques et la transaction s’opère entre le distributeur et le garage. Pour ce qui est du paiement, libre aux distributeurs de passer ou non par la solution proposée par la plateforme. « Nous avons développé un système de paiement qui permet au garagiste de ne payer qu’une seule fois, même si ses achats ont été effectués avec différents distributeurs » explique Laurent Gambotti. Pour conquérir des clients et les fidéliser, Partakus mise sur la largeur de son offre, en particulier sur des produits peu courants, difficiles à trouver tels que des moteurs en échange standard, des services de réparation de systèmes électroniques embarqués, des pièces de réemploi… « Cela va créer une habitude de consommation qui fera que les garagistes feront appel à notre plateforme même pour les achats les plus courants, comme les filtres » espère Laurent Gambotti.
Article rédigé en collaboration avec Décision Atelier Aftermarket, le magazine de référence des réparateurs automobiles édité par ETAI.