Le marché des lubrifiants automobile aujourd'hui en pleine tempête !

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En pleine tempête, le marché des lubrifiants affronte une conjoncture exceptionnelle. Le déclenchement de la guerre en Ukraine cet hiver, a conduit à limiter les approvisionnements en provenance de Russie. Des importations qui représentent 50% des besoins du marché européen, soit l’équivalent de 100 000 tonnes d’huile de base par mois. Les perspectives des prochains mois ne laissent pas entrevoir d’éclaircie, selon les professionnels interrogés.

D’autant que les lubrifiants composent avec une inflation certaine des huiles de base. La compression des marges opérée jusqu’alors par les fabricants, trouve ses limites face aux hausses des coûts de transport, des additifs, de l’énergie et des conditionnements. Résultat, les réajustements tarifaires deviennent inévitables. Les augmentations de prix des produits finis oscillent entre 6% et 8%. Les approvisionnements en huile de base et en additifs restent compliqués depuis la crise sanitaire. Certaines raffineries ont engagé des opérations de maintenance. Le Texas a été touché par une vague de froid qui a impacté l’industrie pétrochimique (pour la fourniture des additifs). La logistique est mise à rude épreuve, et doit se réorganiser continuellement.

Dans le même temps, la demande en lubrifiants de nouvelle génération s’accroit à l’échelle mondiale. Mais à l’heure où les cours de pétrole battent des records, les priorités des raffineurs privilégient la production de carburants au détriment des huiles de base. Outre les réajustements tarifaires qui se multiplient du côté des pétroliers comme des industriels du graissage, le risque de pénurie guette.

Un marché haut de gamme

Indépendamment du contexte, le marché des lubrifiants dans l’hexagone se révèle « mature ». Les volumes tendent à décroitre « naturellement » de 1,5% à 2% par an. La tendance de fond s’explique par l’espacement des intervalles de révision, et la généralisation des motorisations downsizées dont les carters se réduisent. « Les évolutions technologiques associées à l’électrification entraineront à terme une volumétrie déclinante », confirme Mélodie-Anne Camerini, responsable marketing lubrifiants de Shell France.

Pour l’heure, le marché demeure encore très concurrentiel, observe la responsable. Le marché reste « disputé », marqué par une concurrence « soutenue » entre les pétroliers et les industriels du graissage. La contrition observée jusqu’alors, voit la tendance sociétale répondre à la volonté de réduire les frais d’entretien et du « faire par soi-même », remarque Grégory Besnard.

Elle pourrait favoriser le canal de distribution en grandes et moyennes surfaces, et en centres-autos. Sur le plan technique, le développement des dernières motorisations a favorisé la montée en gamme des lubrifiants. Les constructeurs se sont appuyés sur des huiles plus performantes en termes de protection, de longévité et de dépollution, favorisant l’économie de carburant. « Le marché français s’oriente vers les lubrifiants hauts de gamme, synthétiques ou PAO (polyalphaoléfines), de groupe 3 ou 4 », souligne Francis Perry. Les huiles de Groupe 3, 100% synthétique, de grade 5W ou 0W totalisent d’ailleurs plus de 60% des ventes. Contrairement à l’Allemagne, la part des marques discount ou low-cost reste minoritaire en France, observe le responsable.

A chaque motorisation, son lubrifiant !

Dans les linéaires, la 5W30 remplace les classiques 10W40 et 15W40. La généralisation des technologies downsizées et l’espacement des intervalles de vidange, favorisent là aussi cette montée en gamme et donc en valeurs des huiles. Elles conduisent à diminuer la viscosité pour baisser les émissions de CO2 et réduire les consommations, expose Mélodie-Anne Camerini. La tendance favorise l’essor des grades 0W30 et 0W20. Dans le même temps, la 0W16 fait son entrée, et la 0W12 est déjà en développement chez certains constructeurs, avec des normes particulières comme ACEA C5 ou C6, l’ILSAC GF-6. Une viscosité si faible nécessite des additifs toujours plus élaborés pour répondre aux contraintes de pressions et de températures extrêmes, précisent les équipes de Castrol. Elles s’ajoutent au phénomène d’allumage prématuré à faible vitesse (LSPI), une donnée qui favorise le recours aux lubrifiants de dernière génération. La tendance s’accompagne d’une multiplication des références. Neuf à douze grades différents sont désormais nécessaires pour couvrir 95% du parc roulant. « Les huiles se révèlent spécifiques à chaque motorisation », indique encore la responsable.

Pour les réparateurs, le casse-tête technique conduit à mettre en place des bars à huiles et à identifier les lubrifiants à partir du numéro d’immatriculation des véhicules. Car il est impératif de respecter les préconisations des constructeurs, rappelle Yves Decat. Les lubrifiants sont adaptés au cahier des charges propre à chaque motorisation. Les modèles hybrides équipés d’une motorisation thermique et électrique imposent des huiles 0W8 par exemple. Elles permettent de lubrifier immédiatement le moteur dès le basculement du mode électrique au thermique, expose Matthieu Rezé, responsable du support technique de Motul. Si l’attention se porte sur la qualité des lubrifiants, les pompes à huile doivent elles aussi répondre instantanément à ces exigences techniques sans cesse accrues.

Un levier d’animation des réseaux

Au coeur du marché de l’entretien, le lubrifiant est un produit résolument technique. Il reste un composant majeur garantissant les performances et la longévité des organes mécaniques des véhicules. Castrol estime qu’en Europe, 21 % des véhicules en circulation sur les routes manquent de lubrifiant. 8 % courent même un risque mécanique, du fait d’un niveau d’huile inférieur ou égal au seuil minimum recommandé. Outre le respect des préconisations et des espacements de vidanges, le recours à des lubrifiants homologués par les constructeurs font partie des fondamentaux, poursuit le responsable. Mais face à l’électrification du marché, la diversification des pétroliers et des industriels du graissage est en marche. Outre les vidanges des boites de vitesses automatiques, un segment sur lequel les MRA sont appelés à se positionner, l’attention porte sur les nouvelles gammes adaptées au refroidissement des batteries de traction, et aux transmissions des véhicules électriques. Pour l’heure, au regard de la vitesse de renouvellement du parc roulant actuel, les modèles thermiques continueront d’alimenter encore les ateliers au cours des vingt prochaines années.

Les conseils de RTA : l’identification des lubrifiants est devenue un élément majeur. L’évolution impose de respecter scrupuleusement les normes prescrites. Dans le cas contraire, une huile non-adaptée provoquera un risque de pré-allumage (et une casse de piston), ou un vieillissement prématuré de la mécanique par encrassement ou usure.

Article rédigé en collaboration avec Décision Atelier Aftermarket, le magazine de référence des réparateurs automobiles édité par ETAI.