Le point sur l’envolée des prix des pièces auto et moto
En 4 ans, le coût moyen de la réparation d’un sinistre a augmenté de 21 %. Première raison de cette importante hausse : le prix des pièces, captives et toujours plus technologiques, à l’image des blocs optiques devenus le symbole de l’envolée des coûts.
Les chiffres parlent d’eux même : selon l’analyse les procès-verbaux d’expertises automobiles, le coût moyen des réparations en carrosserie est en augmentation de 21 % depuis 2017. Un accroissement régulier qui semble s’être accélérer depuis le début de la crise sanitaire qui limite les chocs urbains et qui oriente le mix des sinistres vers des réparations plus importantes. Dans le détail, le coût de la main d’œuvre a augmenté de 16 %. L’inflation a été de +15 % pour ce qui concerne les ingrédients de peinture. Une hausse qui s’est de même accélérée ces derniers mois créant des inquiétudes chez les carrossiers peintres. Mais c’est du côté de l’augmentation du coût des pièces qu’il faut aller chercher la principale raison de la forte hausse du coût des réparations. Elle s’établit à +25 % ces quatre dernières années. C’est cinq fois plus que le taux d’inflation des produits de consommation courante ! Ce poste représente désormais près de 51 % du coût de la réparation, contre 49 % en 2017. L’indice Insee qui suit les prix des pièces (mécanique et carrosserie) montre une augmentation de 10 % en 4 ans. Ce taux témoigne de la décorrelation tarifaire qui existe entre les pièces mécaniques, concurrencées, et les pièces de carrosserie, captives des constructeurs, qui augmentent plus fortement. Les prix du panier SRA (voir encadré) confirme qu’à modèles constants le prix des pièces a connu ces 4 dernières années une croissance de 15%. Le coût du panier approche les 25 % d’augmentation. « Ce qui nous permet de conclure que l’augmentation principale est due aux changements de modèles » fait remarquer Rodolphe Pouvreau, directeur de SRA. Si l’augmentation des tarifs explique largement celle des coûts des pièces au niveau de la facture, un autre facteur entre en ligne de compte : les pièces sont de moins en moins réparées, mais plutôt changées. En 2017, 33 % des pièces impactées lors d’un sinistre étaient réparées. Ce taux a perdu 3 points en 2021. « Se pose la question de la capacité du monde de la réparation à s’adapter à l’arrivée des nouvelles topologies de pièces » réagit Rodolphe Pouvreau. S’ajoute à cela le fait qu’un accident touche davantage de pièces que par le passé, de 5,7 en 2017 à 6,3 pièces actuellement.
Des pièces toujours plus technologiques
Autre évolution notable : la croissance technologique des organes qui deviennent plus couteux. Ainsi paradoxalement, si les systèmes électroniques d’aides à la conduite limitent les sinistres, ils en augmentent les coûts avec aucune économie à la clé pour les assureurs.
Les choses s’équilibrent ! Si les nouveaux équipements à fort contenu électroniques sont apparus dans un premier temps sur les véhicules haut de gamme, ils tendent à se généraliser et à descendre en gamme. Un type de dispositif illustre parfaitement la situation : l’éclairage. Les blocs optiques sont les troisièmes pièces les plus remplacées après les boucliers avant et arrière. Ils sont toujours plus technologiques. Leur coût moyen sur les factures a cru de 46 % en 4 ans, deux fois plus vites que la moyenne des pièces de carrosserie. « Si bien que pour les sinistres comptabilisant au moins un optique endommagé, l’opération liée à son remplacement compte pour 56 % du coût des pièces » fait remarquer le directeur. Un taux en croissance de 10 % en 4 ans. De l’halogène aux LEDs en passant par le xénon et le laser, le prix des optiques flambe passant en moyenne de 400 euros à 1000 euros le phare sur des véhicules à forte diffusion comme peuvent l’être une Peugeot 208 ou une Renault Mégane. En 2030, 50 % des véhicules du parc roulant seront dotés de phares à LEDs, contre 8% aujourd’hui. Le remplacement de ces phares, qui deviennent adaptatifs, demande de plus, lors de la repose, une étape supplémentaire de calibration, d’où des frais de main d’œuvre supplémentaires.
Face à ce contexte inflationniste du coût des pièces, les assureurs souhaitent activer trois leviers pour continuer à maitriser les coûts de réparation : pousser les pièces d’occasion, privilégier la réparation plutôt que l’échange de pièces et réclamer la libéralisation du commerce des pièces. Leur position vis-à-vis de cette ouverture est désormais bien plus affichée. Les compagnies le disent clairement, ils ne se contenteront pas du récent texte de loi qui programme une libéralisation en 2023 du vitrage, des rétroviseurs, des phares, des pièces fabriquées par les équipementiers d’origine mais qui ferme la porte durant 10 ans (après le début de commercialisation d’un modèle de véhicule) aux fabricants alternatifs. La Fédération Française de l’Assurance demande à ce que soit réalisé tous les 2 ans un bilan sur l’impact de cette libéralisation conditionnelle du marché. « Nous souhaitons disposer d’éléments factuels afin d’adapter la législation si nécessaire. Vraisemblablement, le minimum à faire est de porter ce délai de protection à 5 ans sans quoi on ne verra pas grand-chose sur les contrats d’assurance », prévient la Fédération.
L’obstacle du brand naming
Le « brand naming » en voie de généralisation, qui consiste à faire figurer le logo ou la marque du constructeur sur une pièce comme les capots, les hayons et les blocs optiques, risque de limiter la portée de la fin du monopole. Car pour fabriquer et commercialiser librement ces pièces logotypées, conformes à l’origine, les équipementiers ont l’obligation de verser de fortes redevances aux constructeurs. Supprimer ce marquage pour s’affranchir des royalties s’avère compliqué pour les fabricants qui ne souhaitent pas, pour des raisons économiques, doubler leur outil pour produire des pièces avec et sans logo. Le jeu n’en vaut pas la chandelle à leur sens. Seule l’arrivée d’une offre de pièces alternatives, produites par des fabricants non présents à l’origine pourrait conduire à abaisser le prix des pièces, mais cela n’est pas pour demain en France. Et puis faut-il encore convaincre les assurées, qui payent une prime pour une remise à neuf, d’accepter lors d’une réparation ce type de pièces perçues encore comme des produits aux performances dégradées.
Les pièces d’occasions sur la voie de la croissance
Selon l’analyse des procès-verbaux d’expertises menée par SRA, les pièces d’occasion ont connu une notable envolée cette année. Leur utilisation, lors de la réparation d’un sinistre assuré, a progressé de 20 % par rapport à 2020, pour atteindre un taux de 3,6 % de pénétration. Ce taux était de moins de 3 % en 2017. Si on considère les véhicules accidentés de 5 ans et plus, le taux de pénétration atteint les 6,2 % en 2021, soit une croissance de + 13 % par rapport à 2020. « Si cette croissance est significative, il faut toutefois considérer que davantage de pièces sont changées lors d’un sinistre qu’il y a 5 ans », tempère Rodolphe Pouvreau, directeur de SRA. Il n’en reste pas moins que cette année, près de 12 % des expertises ont été réalisées en considérant au moins une pièce d’occasion. Cela représente une croissance de 22 % par rapport à 2020. Ce taux était à moins de 8 % en 2017.
Article rédigé en collaboration avec Décision Atelier Aftermarket, https://www.auto-infos.fr/aftermarket/ le magazine de référence des réparateurs automobiles édité par ETAI.